Interview réalisée par François GAUTIER
Madame Pic m’était connue de nom et de physionomie depuis plus d’une année. Nous nous sommes rencontrés dans une pièce chaude un peu en dehors de l’école par un jour de bise noire.
Comment avez-vous connu la pédagogie Waldorf ?
J’en ai eu comme écolière à Londres une impression lointaine et cependant vive. Un couple ami de mes parents, dont la femme était allemande, chose rare à l’époque, avait mis ses enfants dans l’école Waldorf de Kings Langley. Or, autant je ressentais de la réticence à ce sujet de la part de ma mère, autant ses enfants, quand ils m’en parlaient, me faisaient envie.
Et ce souvenir d’enfance vous est revenu à quelle occasion ?
Lorsque j’ai eu mes filles, notre famille vivait alors à Dijon, j’ai cherché si une telle opportunité existait dans la région. Ce n’était pas le cas. Elles ont donc fréquenté l’école « nationale », avec bonheur au début (bon instituteur), moins par la suite.
Mais ensuite ?
Pour des raisons professionnelles, mon mari, ingénieur, cherchait un changement. Il s’est trouvé qu’un poste intéressant s’offrait à lui sur Genève, à Plan-Les-Ouates. Nous avons déménagé à Bernex ; et voilà que tout près, une pancarte « École Rudolf Steiner » me sautait aux yeux ! J’ai donc postulé pour y enseigner l’anglais – ce que je faisais depuis vingt ans dans un grand lycée à Dijon, avec enthousiasme au début, puis plus lourdement par la suite : la politique éducative semblant ne marcher qu’à l’économie (davantage d’élèves en classe, davantage de tâches annexes).
Vous avez donc été engagée ?
Pas aussitôt, mais en décembre 2019, un professeur d’anglais a été en arrêt de travail, et j’ai tout de suite pris une classe. Puis deux. Puis trois !
Quel ont été vos sentiments, dans ce nouveau cadre ?
Je me suis sentie accueillie par les professeurs, on cherchait à me connaître, on se souciait que j’aille bien ! Une ambiance très différente du grand lycée d’où je venais. Les classes de langues n’excédaient pas 15 élèves ; alors qu’au lycée 26 élèves étaient un minimum. Puis j’ai admiré l’implication des parents et senti qu’on collaborait entre trois entités : élèves, professeurs, parents.
Et pour ce qui était des élèves ?
Ils m’ont surprise par leur confiance et j’ai eu le bonheur de leur faire confiance. Très vite, ils ont voulu me connaître, et manifestement souhaitaient que je les connaisse : ils me parlaient d’eux-mêmes : j’ai aimé cela !
Un exemple ?
Retour de vacances de Noël: « on peut vous raconter ce qu’on a fait pendant les vacances ? – Oui, bien sûr – mais en anglais ! » Il a fallu leur faire employer we went (au passé) au lieu de we go. Ils ont saisi, et toute une heure d’échanges – en anglais-, a eu lieu !
Avez-vous eu l’occasion de connaître des enseignants d’autres écoles Waldorf ?
Oui, et enfin en direct (depuis la pandémie), par une « English week » en Allemagne. De nombreux professeurs d’Allemagne, mais aussi de l’Europe de l’Est, d’Asie, … surtout pour les questions pédagogiques, mais où un lien Waldorf est manifeste.
Comment vous sentez-vous avec l’Anthroposophie ?
J’ai l’impression de n’être qu’au début du « voyage ». Il y a une terminologie à laquelle il faut s’habituer, mais mon « mentor », Mme Ripaux, sait m’en parler de façon très vivante.
Une image forte ?
Ma première visite ici, dans la 1ère classe, avec Mme Grewe. C’était la première fois que j’entrais dans une école Waldorf. J’en garde une image bouleversante. Mon mari et mes filles ont depuis eu cette occasion. Ils ont aussi été saisis !
Madame Pic porte un nom bourguignon, celui de son heureux époux, mais Rosemary est un nom de fleur : le Romarin, m’apprend-elle. Comment le Pic et la Romarin (féminin en anglais) se sont rencontrés : c’est une jolie fable que j’espère un jour, elle nous contera.