Interview de Marie Cier, Professeure de 3ème classe

Connaissiez-vous l’École Steiner Waldorf ? 

Mes parents auraient bien voulu pour moi cette pédagogie, mais comme l’école la plus proche était à Lyon, ils m’ont mise d’abord dans la pédagogie Montessori, puis dans une école privée catholique. Puis j’ai insisté pour être dans un établissement public, et y ai passé mon bac scientifique, avec une option arts plastiques.

As-tu continué les études ?

Oui, j’ai commencé la médecine, mais après deux ans, j’ai arrêté. Cherchant de nouvelles motivations, j’ai fait une année de voyage à travers le monde.

Et tu as trouvé ton chemin ?

Oui, curieusement, je retombais toujours sur la pédagogie Waldorf. Ce qui fait que pour finir, j’ai contacté Avignon depuis la Nouvelle Calédonie, pour la formation Didascali. Et j’y ai été admise.

Est-ce que c’était à plein temps ?

Oh non, et j’ai préparé parallèlement une licence en langues étrangères appliquées en anglais et allemand.

Et tu es repartie avec une licencie et un diplômée Waldorf ? 

Non, après deux ans, j’ai souhaité mieux connaître l’allemand et finir la formation pédagogique dans la langue de Goethe. J’ai donc cherché un bel endroit en Allemagne, où finir mes études et travailler en parallèle. C’est à Garmisch-Partenkirchen, au sud de Munich, que j’ai fait un service civique avec l’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse (OFAG), en tant qu’assistante de français dans un lycée catholique pour jeunes filles. Je ne savais même pas que ça existait encore ! En 1919, Steiner crée des écoles mixtes et là, je découvre une société qui, par certains aspects, est restée figée dans le temps. Par cette expérience dépaysante, avec un accueil d’une grande gentillesse dans une famille et dans ce lycée, j’ai pu enfin faire fi des complexes et parler allemand. Je tenais aussi à valider ma licence et je me suis tournée vers le CNED (Centre National d’Enseignement à Distance), qui propose toutes sortes de formations. Étonnamment, les licences de langues n’existaient pas. J’ai donc regardé les différentes options proposées et, forte de ma pratique de la photographie et de mon goût pour les arts, j’ai choisi de postuler à la Sorbonne pour une 3ème année de licence d’arts. Mon dossier a été retenu et j’ai pu ainsi valider cette dernière année depuis la Bavière profonde. Alors, j’étais prête à affronter ma 3ème année pédagogique en allemand. Je me suis adressée à Berlin et à Bâle, et c’est sur Bâle que j’ai porté mon choix, terminant ces études à l’AfaP (Akademie für anthroposophische Pädagogik) pour une année à plein temps. Ceci m’amenait à être en stage 4 jours par semaine à l’école d’Aesch, en plus de la formation théorique.

Est-ce que Bâle avait un attrait particulier ?

Bien sûr, mon ami Stive y commençait ses études d’eurythmie, et nous avons pu trouver à loger gratuitement les 5 premiers mois, alors que nous n’avions que très peu de moyens. Comme quoi, quand c’est juste, des portes s’ouvrent d’elles-même !

Et une fois la formation achevée, tu as enseigné ?

Oui. On m’a proposé deux offres en même temps. L’une comme professeur de 5ème classe à Colmar, et l’autre comme professeur de français langue étrangère à Aesch. À l’époque Stive ne travaillait pas et j’ai dû choisir de façon pragmatique: le salaire français ne me permettait pas de payer deux loyers, l’un en France, l’autre en Suisse. Sans compter que les vacances étaient décalées. J’ai donc accepté le poste à Aesch, en me formant en parallèle pour devenir enseignante de langues de la 1ère à la 8ème classe. Ça m’a été très profitable car j’ai pu travailler avec les différents âges, en me donnant une idée globale des besoins de chaque classe et en construisant une progression.

Est-ce que les jeunes alémaniques étaient hostiles à la langue de Molière ?

Certes, ce n’est pas la discipline qu’ils préfèrent, mais j’ai fini par bien les avoir avec moi et nous avons travaillé ensemble avec beaucoup d’enthousiasme.

Et combien de temps as-tu enseigné à Bâle (Aesch) ?

Trois ans, le temps que Stive termine ses études d’eurythmie. Puis j’ai postulé à Genève.

Que vois-tu comme différence entre l’École de Genève et celle d’Aesch ?

Ici, les rapports humains sont plus faciles et immédiats, on se sent vite dans une famille. Là-bas, il y avait une certaine distance ; des parents pouvaient avoir un lien fort avec l’Anthroposophie et « demander des comptes ». Ici, beaucoup me semblent avoir mis leur enfant dans une école privée, plus que pour cette pédagogie en particulier. Mais s’il y a là-bas toute une « culture Waldorf », qui fait que les choses ne demandent pas toujours d’être expliquées, il n’empêche qu’ici certains côtés de l’Anthroposophie sont bien présents, notamment avec la lecture quotidienne du Calendrier de l’âme en salle des Maîtres, pour commencer la journée, avec une intention commune.

Les enfants sont-ils différents ?

Pas tellement. Bien sûr, ici il y a ce côté international lié à la ville de Genève. Quant aux troubles d’attention, dyslexie, besoins spécifiques, ils sont présents partout. Les écrans, les jeux vidéo sont un peu moins abondants là-bas, et leur emprise sur la jeunesse semble mieux contrôlée.

L’aspect spirituel de l’école Waldorf a-t-il été rebutant ou facile pour toi ?

Aisé. Mes parents cultivaient quelque chose de semblable. Pour moi, les fêtes cardinales, les chants, les méditations ont baigné déjà mon enfance. C’est aussi l’une des raisons pour laquelle j’ai choisi cette pédagogie. Elle offre une vision globale de l’être humain et je m’y retrouve dans mes valeurs.

Interview réalisée par François GAUTIER

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